vendredi 14 octobre 2011

Interview de Pierre Chevalier, Président de la FNB


Après quatre années de crise, Pierre Chevalier se félicite de la reprise des cours. Mais l’embellie actuelle doit se poursuivre pour redonner des perspectives aux éleveurs, notamment à l’export.

 En novembre dernier, les éleveurs bloquaient les abattoirs de Bigard. Quel bilan tirez-vous un an après ?

 Pierre Chevalier : Le blocage de Bigard était d’abord l’expression d’une volonté, celle des éleveurs de ne pas continuer à subir le diktat économique imposé par un homme, à la tête d’un outil qui commande près de la moitié de l’abattage en France. Ensuite il s’agissait de donner une perspective à des éleveurs au bord de la rupture, en raison de l’explosion des coûts de production.  Cette perspective, c’est le prix. Et tout notre combat, à la FNB, consiste à agir pour le faire progresser, partout où la filière le corsète. Le travail en cours, c’est donc celui d’une réelle représentativité des « cotations entrée-abattoir », indicateur-clé pour donner aux éleveurs le reflet réel du marché. C’est celui de l’équité de la pesée-classement des carcasses. Les avancées sont encore insuffisantes, handicapées par l’inertie, voire la complaisance des services de l’Etat, au détriment des éleveurs. L’action FNB, c’est enfin de dynamiser l’export afin d’élargir les débouchés. Je me félicite d’avoir donné cette priorité qui, dans un contexte de marché international porteur, apporte « un bol d’oxygène » aux éleveurs avec une hausse des cours en jeunes bovins, et dans une moindre mesure en femelles, et une tendance ferme en broutards.

 Justement, sur l’export, selon le Sniv et Coop de France, il va ruiner la filière française. Quelle est votre réponse ?
 PC : Notre réponse, c’est la stupéfaction ! Stupéfaction devant les contre-vérités : ainsi, le Groupement pour l’Export Français (GEF) créé en juin par l’interprofession, n’a pas vocation à remplacer les entreprises mais bien à appuyer les opérateurs pour prendre pied sur de nouveaux marchés. Autre exemple : cette filière export pays-tiers est présentée comme « aléatoire » alors que toutes les prospectives affichent une croissance de la demande mondiale et une réduction de l’offre sud-américaine. Stupéfaction d’autre part sur le fond : trouver de nouveaux débouchés et favoriser une dynamique plus conquérante de la filière, ce serait la mettre en péril ? Les autres filières de production (à commencer par les grandes cultures) sont pourtant à la recherche de tous les débouchés possibles, et assurent ainsi une progression de leur prix ! Les autres pays producteurs de viande jouent déjà cette stratégie de filière export ! Démonstration est faite que ceux qui invoquent régulièrement la « loi du marché » pour de soi-disant justifications de la baisse des cours, sont prêts à toutes les manipulations quand la tendance s’inverse. Nous appelons les producteurs à veiller à une juste rémunération à la vente de leurs animaux, et à interpeller les opérateurs économiques.
 Beaucoup imaginent l’élevage bovin « tiré d’affaire ». Quelle analyse porte la FNB sur l’avenir du secteur ?
 PC : Ce n’est pas le cas. Quelques semaines de hausse des cours, et d’un niveau encore insuffisant pour équilibrer les coûts de production, ne suffisent pas à effacer plus de quatre ans de crise continue. Sans compter les lourdes factures de paille et fourrages que les éleveurs sont en train de payer maintenant suite à la sécheresse du printemps. De plus, aujourd’hui, l’écart de rentabilité avec les grandes cultures est trop grand, ce n’est pas tenable. Il faut impérativement que le redressement des cours s’amplifie et de façon durable, pour éviter la nouvelle phase de décapitalisation qui menace. Pour autant, nous croyons en l’avenir de la production et de la filière bovine. La France dispose d’atouts majeurs : compétence des éleveurs, premier cheptel bovin européen, territoires. La future PAC doit impérativement poursuivre une politique de soutien spécifique à l’élevage, notamment par une aide couplée au cheptel allaitant, et faire sauter les contraintes qui brident la capacité d’adaptation des exploitations. Au plan interprofessionnel, la prochaine étape devrait être d’engager une vraie stratégie de filière, notamment avec le développement d’une contractualisation prenant en compte les coûts de production. Dans ce cas, aucune inquiétude pour les abatteurs, les éleveurs produiront, les outils tourneront.


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